Jean-Robert LÉONIDAS, Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu

Éditions RIVENEUVE, Publié en janvier 2022

230 pages

Jasmine est née à Haïti. Elle a été adoptée à 3 ans par un couple de Français aisés qui lui ont offert amour, protection et avenir tout tracé. À la mort de ses parents adoptifs, Jasmine décide de faire le voyage à la recherche de ses racines, dans ce territoire qu’elle ne connaît pas, battu par les vents de l’histoire et les cataclysmes de la nature. La belle ingénieure de 23 ans, courtisée par un grand blond et un étudiant guyanais, s’interroge chaque jour un peu plus sur ses origines haïtiennes, sur sa mère qui a dû la confier, elle et sa sœur Christiane à des étrangers, ne gardant auprès d’elle que son fils Siméon aux fréquentations douteuses.

J’ai été sensible à ce concentré d’histoire d’Haïti. L’auteur, Jean-Robert Léonidas est lui-même un enfant du pays. Il est né à Jérémie, lieu où il place l’enfance de Jasmine, son héroïne. Je retiens la magie de la couverture, tellement colorée, avec cette nature tropicale luxuriante, ces hommes et femmes vêtus de couleurs chatoyantes qui se fondent dans le paysage, tout comme ceux qui, en arrière-plan, cheminent vers le groupe et d’autres qui s’adonnent aux travaux des champs. Cet arbre impressionnant au centre de l’image semble les protéger, est-ce ce Dieu mainte fois évoqué, allié aux dieux du vaudou, qui offre ainsi son abri…? La puissance divine est en grande partie assimilée à la nature. L’auteur fait dire à Siméon :

« C’est pour cela qu’il regarde l’arbre comme un saint élément, un agent sauveur, un puissant protecteur. C’est pour cela qu’il aime le cantique « Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu… »

La suite est : « le juste fleurira » ! Programme optimiste qui fait peu de place à la volonté humaine pourtant essentielle dans l’histoire.

L’écriture de Jean-Robert Léonidas est troublante. Il donne des pistes intéressantes sur l’histoire du pays. Les chapitres sont courts. On passe très vite sur les grands personnages de l’indépendance haïtienne alors que quelques repères auraient été bienvenus.

« Pour Jasmine, collectionneuse de nouvelles agréables, son pays d’origine, c’est la perle des Antilles… C’est le pays de Toussaint Louverture, celui du grand Dessalines, du roi Christophe et de sa majestueuse citadelle. C’est la terre de Pétion qui a eu un geste inoubliable envers Bolivar et son projet libertaire pour l’Amérique du sud. C’est un pays d’art et de peinture. »

D’un côté il y a trop peu d’éléments pour en faire un roman adulte bien charpenté, de l’autre il y en a trop pour un roman jeunesse. Les dialogues manquent de réalisme : les personnages ont une façon identique de s’exprimer et les retrouvailles sont au-delà de l’invraisemblable…

L’histoire est en fait une sorte de conte. Une imagerie charmante, des puissances bénéfiques provoquant les bonnes rencontres au bon moment, sans nier tout à fait la possibilité de mauvaises rencontres – Christiane aux États-Unis en est un exemple –.

Un bout de terre minuscule qui a donné naissance au général Alexandre Dumas et à bien des écrivains et artistes magnifiques.

Un livre qui n’est pas sans défaut mais qui a sa petite musique. J’ai aimé des bouquets de mots désignant les fleurs, les lieux : Grand-Anse, Grand-Goâve et Petit-Goâve, les îles Cayemites, la rue du Bois Patate, le quartier du Canapé vert, Mérodé qui se serait formé par aphérèse à partir de (Nu)méro de(ux)… Avec de tels noms, l’auteur n’a pas à chercher, il prend la matière littéraire autour de lui. Est-ce pour cela qu’il y a tant d’écrivains en Haïti ? Le créole, les objets insolites participent à cette fête : les lampes tête-gridap… La musique et le rhum aussi.

« C’est la terre du konpa, de la meringue, de la musique racine et de la musique de variété. »

Un parti pris d’optimisme qui ne m’a pas déplu, tout compte fait. Une sorte de religion originelle sans le grand Satan, avec le syncrétisme créole donnant une couleur poétique. Des dieux accommodants ! Jasmine va finalement retrouver sa mère et la trace de ses deux sœurs et de son frère Siméon. On s’en doute dès le départ et je ne crois pas gâcher la lecture en donnant ces éléments.

Jean-Robert Léonidas, médecin et écrivain, est essayiste, romancier et poète. Il a publié une vingtaine de titres, principalement à Montréal et à Paris, mais aussi en Haïti en collaboration avec d’autres dont Lyonel Trouillot. Il est l’auteur chez Riveneuve du recueil de poésie Rythmique incandescente (2011) et coauteur avec Hélène Tirole de l’essai L’impertinence du mot (2018).

Merci à Babelio et aux éditions Riveneuve pour cette lecture originale, ouvrant une fenêtre sur ce pays, Haïti, dont nous partageons la langue et le goût pour les arts.

Notes avis Bibliofeel février 2022, Jean-Robert Léonidas, Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu

5 commentaires sur “Jean-Robert LÉONIDAS, Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu

  1. L’image qui illustre ce livre m’a tout de suite attiré. J’adore l’art naïf (qui n’est pas si naïf que ça d’ailleurs ;). Pour la vie de Jasmine, je reste un peu sur ma fin mais l’histoire de Haïti en toile de fond m’intéresse beaucoup. Ce qui m’étonne, c’est cette capacité à vivre le temps présent, de profiter de la vie et faire la fête malgré le passé douloureux sur bien des aspects. J’ai de plus en plus envie de m’intéresser à l’histoire de ces îles, de leurs habitants et de leurs ancêtres.
    Merci à toi pour cette découverte.
    Au fait le livre est en chocolat? (Léonidas 😉

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    1. C’est tout à fait cela. Les Antilles prennent une bonne place sur mon blog avec Raphaël Confiant, Gary Victor, Dany Laferrière, Patrick Chamoiseau… L’histoire de ces îles, Haïti et Cuba notamment, est passionnante. Et le chocolat Criollo des caraïbe est excellent ! Merci Alan pour ton passage à Haïti !

      Aimé par 1 personne

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