Simone BERTIÈRE, Les Années sanglantes

Les Reines de France au temps des Valois / 2

Dépôt légal 1ère publication : janvier 1996

Lu dans l’édition 15 – octobre 2014 – De Fallois, Le Livre de Poche

Portrait de Catherine de Médicis (détail), Musée Carnavalet, Paris, peint par François Clouet.

Catherine de Médicis, pour beaucoup d’entre nous, c’est un nom à côté de tous ces rois de l’Histoire de France, vague souvenir d’école fait de dates et d’évènements multiples. J’ai pourtant envie de vous parler de cette reine née au printemps, il y a un peu plus de 500 ans, et qui fut au cœur de ce terrible XVIe siècle riche de figures féminines – un siècle où il y eu aussi « des femmes puissantes » :

« Au XVIe siècle, l’histoire regorge de figures féminines. L’itinéraire des dix reines qui ont occupé le trône de France au côté de leur mari ou de leur fils croise celui de quelques femmes qui ont rempli les mêmes fonctions sans en avoir le titre, de quelques autres qui ont exercé dans les états voisins un pouvoir souverain ou délégué, de douairières aussi qui ont dirigé d’une main énergique les plus hautes maisons nobiliaires.[…]Elles parviennent à créer, en dépit des préjugés misogynes, une situation de fait. Dans la société du XVIe siècle, les femmes comptent, et on compte avec elles. Pas toutes. Affaire de personnalité et de circonstances. »

Vous ne me croirez peut-être pas si je vous dis qu’on a là un véritable thriller, sans intrigue bizarre et invraisemblable comme on peut lire quelquefois, ici tout a existé. Quelle histoire…

Fille de banquier florentin, Catherine de Médicis a épousé Henri II qui meurt en 1559, soit 12 ans après son sacre, blessé à mort dans une joute pour célébrer un traité. Il avait 40 ans, le même âge que Catherine dont la carrière politique est loin de s’achever.

Leur fils ainé, François II, devient roi à 15 ans et… meurt d’un abcès, seulement 17 mois plus tard – avec des rumeurs peu étayées d’empoisonnement –.

Un autre fils prend la place : Charles IX en 1560, il a seulement 10 ans ! Mais décède de tuberculose à 24 ans, laissant le trône à son frère Henri III et son drôle de règne, entouré de ses mignons… Période très troublée… lui aussi malade (tuberculose, syphilis, peut-être bien les 2…). Henri III est peu à l’aise dans son rôle de roi à l’abri de sa mère, omniprésente depuis un bon moment. Il n’aura pas d’enfant ce qui permettra à Henri IV, d’une branche éloignée, de régner, loi salique oblige ignorant les femmes.

Trois rois entre François Ier et Henri IV : une période charnière dans l’histoire de France dominée par la figure controversée de Catherine – que Simone Bertière réhabilite ici en grande partie –, incontournable à la tête de l’État pendant plus de 30 ans. Tournant d’un XVIe siècle qui a vu l’apogée de la Renaissance,semblant replonger dans l’obscurantisme de par la résistance au changement du clan conservateur face à la réforme mise en route par Martin Luther en 1517.

Conjuration, attentat, tentative d’enlèvement du roi, répression, on a là un roman d’action qui nous éclaire sur ces années terribles de lutte pour le pouvoir, sur fond de guerre de religion, avec le sommet de l’horreur de la Saint Barthélémy le 24 août 1572.

« A partir de la Fronde et jusqu’à nos jours, l’histoire de France devient une histoire d’hommes. Exclusivement. »

Je suis passionné par cette période pour le contraste saisissant entre ces années sanglantes et le chemin de lumière émergeant grâce à un écrivain-philosophe visionnaire, ayant côtoyé, conseillé certains personnages puissants du siècle. Michel de Montaigne, c’est de lui dont il s’agit, rédige les 3 livres des Essais entre 1572 et 1588, soit entre le terrible mois d’août 1572 sous Charles IX et ensuite de 1574 à 1588 sous le règne d’Henri III qui meurt assassiné en 1589. Des années troublées qui ont donné paradoxalement ce que ce siècle a de meilleur : un philosophe impliqué dans la réconciliation entre les camps opposés, engagé à servir l’Homme, à l’aider à vivre, à réconcilier foi et raison. En se retirant dans sa propriété familiale à Montaigne, il écrit une œuvre annonçant une nouvelle ère, plus tard, avec le Siècle des Lumières

Simone Bertière rend passionnante cette période complexe et décrypte parfaitement les enjeux de pouvoir masqués derrière les conflits religieux. Elle met d’emblée en garde sur les réserves à apporter car, malgré de très nombreux documents, le rôle des uns et des autres dans ces évènements sanglants reste encore indéterminé par bien des côtés.

Née à Lyon, elle est agrégée de lettres classiques, a enseigné le français et le grec dans les classes préparatoires, puis la littérature comparée à l’université et à l’école normale supérieure. Elle est l’auteure d’une série d’ouvrages consacrés aux Reines de France (6 volumes), d’une biographie de Mazarin et de livres sur différents personnages de l’Histoire ou de la littérature (Dumas, Ulysse, entre autres). Elle a publié en 2020 Henry IV et la Providence.

Pour moi, c’est une œuvre de référence, permettant de comprendre d’où nous venons, et donc ce que nous sommes, à travers des récits bien écrits et accessibles, avec ce qu’il faut d’humour.

Et vous, avez-vous lu Simone Bertière, qu’en pensez-vous ?

Notes avis Bibliofeel février 2021, Simone Bertière, Les années sanglantes

21 commentaires sur “Simone BERTIÈRE, Les Années sanglantes

  1. je me laisserais bien tenter… j’aime l’Histoire c’est connu et j’avoue une certaine fascination pour Catherine de Medicis alors
    par contre je n’ai encore lu aucun livre de Simone Bertière il n’est jamais trop tard 🙂

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    1. Merci beaucoup pour ton commentaire qui me touche beaucoup. Je n’ai pas fait d’études d’histoire et je suis ravi que tu ai apprécié le Marie Antoinette de cette auteure. Je l’ai lu et apprécié également ainsi que Les femmes du Roi soleil. Belle soirée !

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  2. Je n’ai encore jamais lu d’ouvrages de Simone Bertière mais j’ai eu l’occasion de l’écouter plusieurs fois en conférence et cela a été à chaque fois un réel plaisir. Je trouve très intéressante cette constatation sur la place des femmes. Je note en tout cas !

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  3. J’aime aujourd’hui l’histoire. Je dis aujourd’hui car mal enseignée, sans passion par des profs inanimés;)
    Comme tu l’écris, il y a ce contraste entre cette période trouble et le siècle qui suit.
    Si ce livre semble écrit comme un thriller, il serait bon qu’il soit adapté en série mais ce serait un sacré budget.
    Ta description est tentante, comme à chaque fois. Je me le note pour plus tard.
    Merci pour ce très bon article.
    Alan

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    1. Le siècle suivant sera dominé par Louis XIV, monarque absolu. Le grand tournant sera bien sûr au XVIII ème siècle avec la révolution française.
      J’ai l’impression que tu t’intéresses à beaucoup de domaines au vu des sujets abordés sur ton blog !

      J’aime

      1. Je suis le premier lecteur de mon blog;) J’ai horreur de la routine. Tout m’intéresse. L’humain a fait tellement de choses variées qu’il suffit de visiter, d’explorer. L’histoire, c’est passionnant si on aborde l’histoire des hommes plus que les dates et les chiffres. Le bouquin dont tu parles semble être l’exemple type d’une histoire au service de notre histoire. Il faudrait que les profs puissent bénéficier d’une formation de conteur ou de théâtre pour captiver leur auditoire.

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  4. Je viens de recevoir le tome 1 d’occasion (mais je ne pense pas qu’ils se suivent) : ‘Le beau xVIe siècle ». Je ne connaissais pas l’autrice et je pensais franchement que c’étaient des nouvelles sorties, mais non… ! J’ai hâte de m’y plonger et ton avis sur ce second tome ne fait que m’y encourager. J’adore le personnage de Catherine de Médicis x)

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    1. J’étais plutôt fâché avec cette période pour retenir les dates, les évènements et appréhender la successions des rois et des dynasties. Elle m’a beaucoup aidé par son style particulier, hybride entre récit historique et roman, me permettant d’approcher nos illustres ancêtres et leur peuple, nos arrières, arrières… grands parents en fait ! A essayer, certainement…

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  5. quel siècle et quelle période pour exercer la régence et les interims. Il est intéressant de noter qu’à une période pourtant stable, François 1 avait concédé la terrible défaite de Pavie, soutenue sans relâche par sa mère…Louise de Savoie. Tout ceci augurait de la place des femmes essentielle qui serait celle des sommes tout au long du 16ème siècle.

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