Caroline LEPEU & Jérôme MONDOLONI, Maria MONTESSORI l’école de la vie

Éditions Marabout dans la collection MaraBulles, roman graphique publié en août 2022

176 pages

J’ai quelquefois saisi au vol ce nom de Montessori en échangeant avec des amis professeurs, comprenant vaguement qu’il s’agissait d’un type de pédagogie… sans oser demander un éclairage tellement cela semblait aller de soi dans la conversation, ni m’y intéresser vraiment. Ce roman graphique m’a permis de découvrir la vie d’une femme d’avant-garde, une héroïne telle que l’Histoire a pu en produire et dont on doit entretenir la mémoire. Curieusement, l’Histoire a été si souvent oublieuse des grandes femmes qu’elle a portées…

Dans les nombreuses dénominations actuelles, aux limites assez floues, j’ai pu découvrir le terme de roman graphique ou BD documentaire désignant ce type de publication. Une chose est sûre, il y a du roman dans l’intensité et les engagements de cette femme dont la vie a été si bien remplie sur tous les plans professionnel, familial, sentimental dont l’œuvre reste moderne, plus que jamais utile afin de répondre au mieux à ces questions majeures : quelle éducation pour nos enfants ? Quelle éducation pour une humanité meilleure, voire pour une humanité préservée ?

Chapitre 1, une femme libre : « L’homme n’appartient qu’à lui-même : il doit s’incarner grâce à sa propre volonté. »

En1890, après des études techniques, Maria veut faire des études de médecine, filière alors quasi exclusivement masculine. Elle est italienne et depuis la loi de 1876, les femmes peuvent théoriquement devenir médecin. A force de volonté elle parvient à son objectif, renversant tous les obstacles. Maria sera la cinquième femme à y parvenir, commençant par un programme de recherche en psychiatrie, sur des enfants dont elle révèle le potentiel, montrant que les choses ne sont pas déterminées à l’avance. Elle utilise pour cela un matériel spécifique, notamment des tables et des chaises adaptées à la taille des enfants. Elle a un bébé avec le professeur Montessano, hors mariage, et doit se résoudre à cacher l’enfant à la campagne – par la suite, son fils Mario l’accompagnera et prolongera son œuvre après sa mort en 1952.

Chapitre 2, la découverte de l’enfant universel : « L’enfant ne doit pas être considéré comme le fils de l’homme mais comme le créateur et le père de l’homme, un père capable de créer une humanité meilleure. »

En 1907, elle ouvre la Casa del Bambini, la maison des enfants où elle met au point et utilise du matériel sensoriel pour découvrir le monde, classer et organiser la pensée. Elle enseigne les mathématiques afin de comprendre notre univers terrestre et céleste. Elle s’émerveille devant les talents insoupçonnés qu’elle parvient à révéler. En 1914, elle va faire une tournée aux États-Unis, recevant un accueil enthousiaste.

Chapitre 3, une femme de paix : « Il faut que l’homme rassemble toutes ses valeurs vitales et ses énergies pour se développer et préparer sa libération. Ce n’est plus le moment de se battre les uns contre les autres, de chercher à s’accabler mutuellement ; il faut que l’homme ait pour seul but de s’élever, de se libérer des liens inutiles que l’on est en train de créer et qui le poussent vers l’abîme de la démence. »

Elle explique que la liberté et la discipline ne sont pas opposées mais représentent un seul et même concept. Elle porte la parole d’une éducation comme arme pour la paix dans le monde entier, peut-être influencée par Gandhi qu’elle a rencontré en Inde.

« Aujourd’hui plus de 35 000 lieux d’apprentissage Montessori existent dans le monde, sur tous les continents, dans plus de 50 pays, du Nido – dès 4 mois – à l’université. »

Ce que je retiens : l’admiration pour une femme de sciences ayant déployé une activité titanesque pour bousculer les connaissances concernant les enfants, développant de nouvelles méthodes d’éducation. Elle a créé une pédagogie nouvelle qui part de l’observation de l’enfant, une méthode qui consiste à ne pas suivre de méthode en fait. Il s’agit de transmettre une capacité d’adaptation et de détermination par soi-même, de développer l’esprit critique en quelque sorte, changer la société par l’éducation, vaste sujet qui demande plus qu’un roman graphique… J’ai pu voir, dans mes recherches complémentaires à cette lecture, que cette pédagogie a ses partisans et ses détracteurs… Je n’ai pas les connaissances pour en juger même si l’aspect social de réalisation de soi et de paix, central dans cette pédagogie, tout au moins dans l’esprit de la fondatrice, me semble très intéressant. Cet album permet, et c’est déjà beaucoup, de découvrir la vie de Maria Montessori, ses convictions et ses engagements. Il incite, j’espère, à être vigilant sur le contenu de l’éducation et à revendiquer une école émancipatrice, au-delà d’une simple adaptation au marché du travail, au besoin de l’économie.

Cet album, attrayant sous tous les aspects, la forme et le fond, est une superbe découverte. Les dessins sont précis, réalistes, colorés de beaux sépias ou divers bleus (large éventail qui va du bleu-gris au bleu soutenu). Le densité du texte et des dessins permet de s’imprégner pour longtemps de ce récit de vie traversant deux guerres mondiales et la guerre civile d’Espagne, utile introduction à l’œuvre de Maria Montessori qui pourra se poursuivre en allant voir du côté des nombreux livres édités et traduits dans le monde entier.

Caroline LEPEU est éducatrice Montessori. Elle partage son temps entre ses deux passions : la transmission aux parents de la philosophie Montessori – et l’écriture de scénarii.

Après 15 ans de pratique en agence dans différents secteurs de la création et de la communication, de l’audiovisuel à la mode en passant par le design et l’édition, Jérôme MONDOLONI se consacre depuis à un travail personnel de recherche et d’auteur, en qualité d’illustrateur indépendant.

Grâce à ces deux auteurs, j’en sais un peu plus sur cette femme, médecin et pédagogue singulière et j’ai passé un excellent moment de lecture. Avez-vous lu des livres traitant de ce sujet ? Que pensez-vous de l’apport de cette femme étonnante ?

Notes avis Bibliofeel janvier 2023, Caroline LEPEU & Jérôme MONDOLONI, Maria Montessori l’école de la vie

3 commentaires sur “Caroline LEPEU & Jérôme MONDOLONI, Maria MONTESSORI l’école de la vie

  1. La pédagogie et surtout ce qui l’anime est beaucoup plus important que l’accumulation de connaissances. Apprendre à être autonome, à s’autoriser à, à vivre en paix avec les autres.
    L’école, de mon point de vue, a longtemps fabriqué des soldats et des exécutants au service du pouvoir et de la vision de la société voulue par les plus riches, notamment les industriels.
    Montessori, Dolto et d’autres femmes ont considéré l’enfant comme un être humain capable de façonner le monde autrement.
    Je lirais cette bio graphique avec attention pour mieux la connaître.
    Notre système est à bout. Il faut réinventer l’école et notre vision de l’avenir pour nos enfants.
    La coopération plutôt que la compétition, trouver des solutions à plusieurs, accueillir les émotions des enfants…
    Autant de pistes à mettre en place. Mais sans un changement de paradigme, l’école restera pour moi un outil de formatage.

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    1. Merci Alan pour ton commentaire. J’aime bien quand tu dis : « Montessori, Dolto et d’autres femmes ont considéré l’enfant comme un être humain capable de façonner le monde autrement ». La classe dominante redoute ces enfants là, elle les préfère à son service ou recherchant un bonheur individuel et surtout pas collectif !

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