Philippe MEISBURGER, Le livre qui parle de toi

Éditions MINI + « Le plaisir de lire » de M+ éditions, septembre 2023

468 pages

Premier contact, tel que je l’ai vécu et dont le tout début donne un aperçu. Si votre curiosité est au rendez-vous alors svp continuez jusqu’à la fin, car CE LIVRE PARLE DE VOUS !

«  Eh toi…
Oui toi...
… toi qui a les yeux rivés sur cette page.
’Fais pas comme si t’avais pas pigé, c’est bien à toi que je parle.
 Quoi ? T’as pas l’habitude qu’un livre se mette à te causer ? T’avais encore jamais lu de bouquin qui te choppe comme ça, direct, à l’improviste, dès les premières lignes ? Ben avec moi, faudra t’y faire !
 Ah parce que tu crois qu’on peut ouvrir comme ça, impunément, sans risque, un bouquin qui s’appelle Le livre qui parle de toi ? Ça va encore la tête ? Tu te trompes grave, là… ce que tu as ouvert, c’est plus qu’un livre.
C’est ton livre.
Ta boite de pandore aussi. »

A ce stade je me suis demandé ce que c’était cet ovni débarqué chez moi par le facteur – sans invitation, merci M+ éditions – et qui commence par me faire la leçon. Puis l’affirmation « A présent, impossible de faire marche arrière, je suis comme le génie sorti de la boîte, ‘Va falloir que tu t’y fasses… » Ces paroles du livre s’adressent en premier à Aurélie, une jeune parisienne type avec le langage qui va avec (bilingue, Français / Hypocrite, comme la présente l’auteur avec humour…), et par un jeu de miroir, à moi qui m’aventure dans ce récit non conventionnel. J’avais d’autres livres de prévus, mais ils attendront, je me retrouve malgré moi engagé dans cette histoire, happé par l’aventure que laissent entrevoir les premiers chapitres. Il me faut découvrir avec Aurélie qui est derrière ce mystérieux livre trouvé un soir chez elle.

Un des titres de la Bande Originale du Livre qui parle de toi, des titres un peu datés… Comme si c’était passé de mode de chanter le bonheur, la vie simple et heureuse en plantant un arbre et observant la liberté des oiseaux…

Les passages en italique (dans le récit) sont ceux de la lecture par Aurélie du livre mystérieux, le côté traité d’épanouissement personnel. Ceux-ci alternent avec la vie réelle d’Aurélie (celle d’un récit à suspense qui m’a fait tourner les pages à toute vitesse) et les évolutions de son vécu par rapport à sa lecture. Auré, comme l’appelle son amie Llona, se sent grosse, elle est mal dans sa peau, stressée, harcelée par son chef, ce Monsieur Parfait et par sa collègue Catherine. Elle est en difficulté avec son fils Lucas, un ado accro des jeux vidéos et son mari, Vincent, peu disponible pour la vie familiale.

Aurélie devient accro à son livre (cela m’arrive aussi…). Elle décèle dans sa lecture des énigmes qu’elle cherche à résoudre, aidée en cela par sa collègue Llona et son copain Julien, un joueur de jeux vidéos adulé par Lucas. Ensemble ils vont décrypter des mystères dignes du Da Vinci Code. Le tout est illustré de renvois à des sites internet tels que www.rondes.com ou www.loosers-anonymes.fr, par des jeux, des références musicales, des pages internet. On revisite la pyramide de Maslow et les stages de motivations, Aurélie et sa collègue étant inscrites d’office par l’exécrable Monsieur Parfait à un stage de paintball qui, on s’en doute, ne se déroule pas exactement comme prévu. Mais ce n’est pas si léger et caricatural que le style veut bien le laisser paraître. Ce sont de vraies et importantes réflexions philosophiques, entre autres l’art du doute, héritage de Descartes. Le pouvoir immense contenu dans des pages reliées est mis en avant, il peut être de divertissement et/ou un puissant moyen d’émancipation.

«  Aurélie se précipite vers lui, fondant tel un rapace sur sa proie. Ses yeux se posent sur mes pages. Des pages couvertes de caractères d’imprimerie, par centaines, par milliers…
Garde espoir, je reviens bientôt…
Le visage de la jeune femme irradie soudain. Ses yeux se remplissent d’étoiles. De toute une galaxie même.
Il a tenu parole. Il est revenu Mon livre est revenu ! »

Qu’on y pense, les livres ont été l’objet de toutes les répressions, victimes d’autodafés, interdits, brûlés sur la place publique, maintenant filtrés insidieusement par l’impératif de rentabilité et par la visibilité sur internet dont cette chronique représente un minuscule exemple, tentative destinée à mettre un peu en lumière un des nombreux livres importants qu’on ne retrouvera pas en tête de gondole dans nos librairies.

« Les manipulateurs n’aiment pas les esprits cartésiens parce que leurs magouilles risquent de se fracasser sur une analyse rationnelle. Moi au contraire je te dis, vas-y ! Doute DOUTE ! »

C’est un vrai coup de cœur, totalement inattendu, la preuve qu’on peut encore et toujours créer en dehors des modes, des genres… et des grandes maisons d’éditions. Un livre qui parle de nous, terriens déboussolés et esseulés de ce début de siècle. Un livre qui peut plaire aux plus jeunes, il parle d’eux et de leur vie (derrière un langage parlé se cache ici une langue riche et musicale). Il peut plaire aux moins jeunes qui voient l’évolution rapide du monde et cherchent à comprendre les options disponibles. Il peut plaire aux littéraires à la recherche d’une petite pause rafraîchissante, avec ce vent de jeunesse parcourant les pages. Il peut plaire à tous puisqu’il nous parle à nous tous, les yeux dans les yeux, essayant de trouver le vrai trésor, celui qui contient bien plus que des pièces d’or, d’actions montantes et autres reliques sacrées de l’homo œconomicus. Il promet une lecture avec les yeux grands ouverts des enfants, trouvant avec les parents un monde adapté à leurs rêves. On peut lire dans les notes de l’auteur à la fin du livre : « Utopie ou dystopie, c’est à nous de choisir. L’une ou l’autre se réalisera forcément. Ferons-nous les bons choix ? »

Je n’ai pas été surpris de découvrir que Philippe Meisburger était diplômé d’une école d’audiovisuel tellement son style est visuel et rythmé. Il a l’art du montage qui tient le lecteur en haleine et fait en sorte de donner du sens au récit tout en nous donnant du bon temps. Loin d’une parole révélée, il prend constamment du recul au bénéfice d’une vision ouverte, inclusive et tournée vers l’avenir. Le livre qui parle de toi est son second roman. Chapeau à l’artiste !

Autres citations :

« Alors comme la croissance est nécessaire à la survie du système – ou du moins à l’obtention d’un délai supplémentaire avant l’inévitable crash – ce dernier s’est arrangé pour te transformer, toi, en brave petit soldat de la croissance. Par ton boulot, déjà, mais aussi par la bonne vieille méthode de la carotte et du bâton, qui te force d’une manière ou d’une autre à consommer. »

« Pourtant il serait si facile de se délivrer de la peur, mais bizarrement, bien peu le font… Mettre en avant ceux qui trouvent de vraies solutions, mettre en avant ceux qui s’entraident, mettre en avant ceux qui, même à un petit niveau, font que ça aille mieux autour d’eux, c’est aujourd’hui ce qu’il y a de plus subversif ! »

« La gentillesse n’a pas besoin de faire du bruit. C’est au contraire en silence qu’elle œuvre, pour l’instant bien cachée, mais qui un jour peut-être, sortira de la clandestinité à laquelle le cynisme généralisé l’a condamnée… »

« Quand twitter t’impose d’écrire en moins de 280 caractères, il te prépare – consciemment ou non – à considérer comme étant la norme plus que les messages courts, concis, synthétiques. Bref, des avis vite dits plutôt que des argumentaires construits. Je ne veux pas dire, mais si cela devait advenir, ce serait juste la fin de notre civilisation née des lumières et de leurs… argumentaires. »

Un des titres de la bande originale du Livre qui parle de toi…

Avez-vous lu ce type de récit, interpellant directement le lecteur ? J’ai pensé à un autre livre formidable que vous connaissez peut-être : Le monde de Sophie de Jostein Gaarder

Notes avis Bibliofeel décembre 2023, Philippe Meisburger, Le livre qui parle de toi

17 commentaires sur “Philippe MEISBURGER, Le livre qui parle de toi

  1. Ah ben voilà une critique comme je veux les lire : du positif avant tout pour un plaisir partagé car j’aime votre enthousiasme. J’ignore si j’irai jusqu’à l’oeuvre en question ( l’envie est née ) mais je « like » votre emballement ( pour ne pas dire « engouement » qui m’est un leitmotiv) qui illumine mon présent ! Grand merci, monsieur le positif. Voilà qui me donne de la joie de vivre… Et de la lecture bénéfique. Qu’est-ce que je me félicite de vous compter parmi mes blogs préférés ! 🌈☀️

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    1. Je comprends aussi, et c’est bien ce qui fut l’un des handicaps de ce roman : il y a tellement d’oeuvres qui exploitent de manière bateau ces thèmes que beaucoup reposent le livre en pensant que je ne suis qu’un dans la masse qui va leur répéter ce qu’ils ont déjà lu mille fois ailleurs, dans les livres de développement personnel notamment.

      Mais lisez bien ce que Bibliofeel vous dit : on n’est là pas dans la énième redite de la quête de la « meilleure version de soi-même », loin de là… même si je reconnais avoir joué cette carte afin d’attirer le chaland (rappel : pour passer un message, empruntez l’autoroute de la pensée, emportez vos lecteurs avec vous, puis seulement là prenez la bretelle de sortie et emmenez-le sur les routes de traverse…).

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