Éditions Daniel Maghen, BD publiée en octobre 2022
96 pages

Vous aimez les dessins précis, les planches au cadrage original, épousant parfaitement le rythme de l’histoire, servant un scénario inventif, s’adressant à tous, des ados jusqu’aux plus âgés, et enfin des couleurs d’arc en ciel vous embarquant loin du quotidien… Vous aimerez certainement alors l’histoire de Shikhara, reine du royaume imaginaire – et oh combien magnifique sous le dessin de Paul Salomone –, mère d’une fille, Jalna, et d’un fils, Gorakh. Vous serez, j’espère, éblouis par les histoires qu’elle leur raconte et celle qu’on nous offre ici.
Attention il y a de la désinformation dans les premières pages avec ces oiseaux qui migrent vers la lune pour y pondre leurs œufs ! Une histoire bien poétique racontées aux enfants par la reine, surnommée par le peuple : « celle-qui-apaisa-les-dieux ». Voici les propos rapportés par son jeune fils en quatrième de couverture : « Et moi, je dis qu’il n’y a pas d’âge pour aimer les histoires ! D’ailleurs, quand je serai vieillard, je me ferai raconter des histoires chaque soir avant de m’endormir… ».
Mais s’il s’agit bien d’un conte, le tragique frappe aux portes du palais. Le bonheur de Shikhara – et celui du royaume de Shandramābād – ne dure pas longtemps, son mari meurt puis son fils. Son équilibre psychique vacille. Les auteurs déploient une leçon de vie comme j’en ai peu vu dans ce type de publication.
« Il faut prendre soin de son chagrin, le chérir, le garder bien au chaud… Lui dire des mots gentils, comme : « Joli chagrin, gentil ,chagrin, je t’aime bien ! », ce genre de chose… Les chagrins aiment bien qu’on leur chante des chansons tristes… Il faut caresser son chagrin, le nourrir de souvenirs… Puis quand son chagrin est devenu trop grand, il faut lui ouvrir la cage de son cœur et le laisser s’envoler au loin… Il sera toujours temps pour qu’un jour – le plus lointain possible ! – un nouveau chagrin vienne prendre la place. »
L’album bénéficie d’une qualité d’édition confinant au livre d’art avec une panoplie de couleurs très vaste, du pastel aux teintes franches. Surprenante page d’où jaillit un chant retranscrit dans les bulles par des signes harmonieux d’une langue inconnue mais immédiatement traduite par l’imagination.
Le découpage en chapitres est superbe, chacun d’eux annoncé par un dessin au ton sépia avec bordure de fleurs entrelacées et une page d’un ton uni : le prologue avec page sépia, le Chapitre 1 « Le cadeau » avec page bleu gris, le chapitre 2 « La nuit ennemie », page couleur parme, le chapitre 3 « Deux plumes ne font pas un oiseau » page bleu intense, chapitre 4 « Jalna », page rouge grenadine et l’épilogue d’un beau jaune doré. Le petit carnet de dessins final permet d’apprécier encore un peu plus le talent du dessinateur.
Sensualité douce et pourtant sans barrière de l’amour véritable loin de tout calcul entre Jalna, future et bientôt reine, et Akbar, le jeune homme de basse condition rencontré alors qu’il s’introduisait dans sa chambre pour la voler. Les planches bénéficient d’un découpage très original et peuvent se révéler très suggestives !
Fait pour le rêve mais riche d’une belle réflexion sur le chagrin et les conditions de la résilience, en mettant les oiseaux au cœur du livre et au cœur du monde – le bonheur de vivre s’enfuit quand les oiseaux disparaissent –, cet album est une pépite que je suis heureux d’avoir découvert et de partager sur ce blog. Il réveille, si besoin, l’enfant qui est en chacun de nous. Il fait du bien !

Zidrou (pour Benoît Drousie) est un instituteur ayant rêvé d’une école apprenant aux enfants à penser plutôt qu’à potasser. Et puis ses rêves contrariés l’ont conduit à devenir scénariste de bande dessinée. Cela lui a bien réussi, la liste de ses œuvres est longue comme les deux bras, tout comme la liste des prix obtenus au cours de deux décennies où il a enchaîné les collaborations et les albums marquant l’histoire de la BD, plus d’une centaine dont les célèbres séries « L’élève Ducobu » et « Tamara »… Quand le scénario est à ce niveau d’excellence, l’alchimie complexe de fusion avec le dessin opère facilement (même chose avec l’image au cinéma…).
Paul Salomone a illustré de magnifique façon cet album. Il n’est pas belge a la différence de Zidrou mais breton (pas si grave…). Son dessin, son sens du cadrage donne ce petit chef d’œuvre qui rejoindra les meilleures bandes dessinées de ma bibliothèque, celles que je conserve précieusement et que je parcours régulièrement… Il est l’auteur de « L’homme qui n’aimait pas les armes à feu », 4 volumes et « Des plumes et Elle ». Bravo l’artiste !
Notes avis Bibliofeel janvier 2023, Zidrou & Salomone, Celle qui fit le bonheur des insectes
J’ai bien aimé le « pas si grave » pour zidrou😄. Tout le monde n’a pas effet la chance d’être Breton et surtout d’avoir son talent.
Très bonne pioche avec cet ouvrage de haut niveau tant au niveau dessin que de sa poésie. Merci pour ce partage et très bonne année à toi et ton blog
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Ah ! ah ! Merci Alan d’avoir relevé cette touche d’humour de début d’année. Très bonne année également à toi avec plein d’articles intéressants et aussi des pépites musicales !
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J’ai adoré cette BD, ce conte a la rude et beau, violent et sensuel… les dessins sont à couper le souffle
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Merci de partager mon enthousiasme 🙂 Je cherche ce niveau d’excellence alliant scénario et dessins à la hauteur et là c’est vraiment gagné. Ce n’est pas si souvent (selon mon goût…). Rude et beau, violent et sensuel, pas mal comme résumé ! Belle année 2023, entre autres en bd et livres de qualité !
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