Jean-Claude SERVAIS, La Tchalette

Les éditions du Lombard, mai 1982

J’y pense depuis un moment et voici, c’est fait ! La page « Bande dessinée » est ouverte. Toujours le même principe : rendre hommage à des œuvres qui me touchent ! Et celle-ci est réalisée par un monument de la BD. Une des premières de Jean-Claude Servais, mais encore plus touchante dans ses imperfections !

Bonne année 2020, à toutes et à tous, avec pleins de belles expériences culturelles. Que cette année soit riche en livres, films, dessins, photos, expos… et de tout ce qui peut nous élever, nous rendre plus forts et solidaires, nous rendre plus heureux ensemble !

Ce bel album comporte une préface de l’écrivain ardennais Guy Denis, présenté comme un grand défenseur de la culture wallonne, de la mémoire des anciens et des poètes.

Guy Denis parle dans cette préface de deux univers qui se heurtent, le sorcier et le réel : « C’est que la logique du fantastique n’est pas la nôtre. D’abord, elle nous apprend à n’être sûrs de rien, ni de nous, ni des autres, ni du monde qui peuvent se muer en monstruosités ou en féeries. » Cela vaut pour beaucoup de choses dans la vie des hommes !

Jean-Claude Servais, dit Jicé, également ardennais, se passionne pour l’histoire de son pays et pour l’histoire que lui ont léguée « ses vieux », d’où ces légendes mystérieuses.

C’est une bande dessinée au graphisme exceptionnel. Chaque planche, chaque dessin est un enchantement. Je l’ai lue et relue ; c’est pourquoi je tiens à commencer cette nouvelle page BD de mon blogue par elle. Il y a neuf histoires très courtes mais denses.

« La Tchalette » est la première histoire racontée ici. Les paysages de neige sont magnifiques et incitent au rêve, à la poésie, au fantastique.

Ils évoquent bien la dureté d’antan de la vie à la campagne, ce qui était le lot du plus grand nombre.  

La Tchalette représente la figure ancestrale de la sorcière. Étaient classées dans cette catégorie certaines femmes indépendantes et le plus souvent âgées, suspectées de magie. Celles-ci étaient vite mises en accusation dès qu’un évènement inexpliqué surgissait. Les fantasmes collectifs les désignaient comme responsables à neutraliser, et bien souvent à tuer (beaucoup ont fini sur le bûcher). Ici la peur de la sorcière se conjugue habilement à la peur du loup, accusé des meurtres commis dans le village ! En face la violence des honnêtes gens, habités par ces peurs, va se déchaîner. C’est bien résumé dans la bulle « Finissons en une bonne fois pour toute », appel à la violence immédiate censée régler définitivement les problèmes. Mais la sorcière saura être la plus maligne et vaincre.

« Mignon » est une jeune fille qui devient chat dans le souvenir d’un ancien amant. Jean-Claude Servais aurait dessiné son propre lit ! Est-ce une histoire qui le concerne personnellement avec une histoire d’amour ratée qui l’a hanté longtemps, jusqu’à « tuer le chat avec des balles d’argent » ?

Dans « L’Ernest », le vin du curé se boit à distance et c’est assez drôle.

L’ambiance est aristocratique pour « Aurore », avec de beaux dessins de chevaux et de belles toilettes. J’adore !

« Le Chabot » est un osselet ensorcelé qui apporte richesse et prospérité mais Satan n’est pas loin. Cela ne donne pas envie de chercher une richesse rapide !

« Berthe » met en scène une jeune fille et des loups qui parlent. Une version très explicite du conte du petit chaperon rouge… pour les Grands !

« Niké » est un nain qui pratique la magie pour écarter un rival. Il faut se méfier des trop petits ! C’est un peu comme les sorcières (et tout ce qui est différent de la norme ?).

« Firmin » obtient l’aide financière d’un riche inconnu mais il doit accepter que son second fils travaille sous les ordres de celui-ci. Il signe, sans le savoir, un pacte avec le diable. Un peu comme être sous la coupe des super-puissants !

Dans le dernier conte intitulé « Patchou », une mystérieuse vache se transforme en fée et les dessins sont « féeriques » ! Vous ne verrez plus les vaches avec le même regard !

Les textes et les dessins sont de Jean-Claude Servais qui réalise ici une œuvre qui m’enchante. Je suis convaincu que nous avons besoin de conserver la mémoire de ces histoires qui se racontaient au coin du feu chez nos ancêtres.

C’est une réussite totale et je conseille de lire et relire ce tome étonnant ! Un album absolument magnifique d’un grand artiste, lui qui a notamment collaboré à Spirou et au journal de Tintin. C’est un grand  conteur et un illustrateur hors pair, dans la tradition des grands graveurs du XIXème siècle.

Notes avis bibliofeel janvier 2020, Jean-Claude Servais, La Tchalette

5 commentaires sur “Jean-Claude SERVAIS, La Tchalette

    1. Bonjour Johan,
      J’ai vu que sorcière en wallon peut se dire « tchôca ». On est proche de tchalette, sous une forme adoucie correspondant à l’esprit de l’histoire. J’ai l’impression que c’est une invention de l’auteur à partir de la langue wallonne. Mais sans certitude. Bonne année 2020 et merci de suivre ma modeste production !

      Aimé par 1 personne

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