Émile ZOLA, Le Docteur Pascal

Publié en 2004 par les classiques de poche. Édition établie, présentée (très bonne et nécessaire introduction afin de s’imprégner de l’époque) et annotée par Jean-Louis CABANÉS.

Mes choix de lecture empruntent des chemins surprenants… Je ne connaissais pas ce roman de Zola et voilà qu’il est demandé, lors d’un jeu, de donner le titre du vingtième et dernier volume de la série des Rougon-Macquart. C’est ainsi que lire cet opus final, intitulé « Le Docteur Pascal », est devenu un objectif obligé et urgent. Je n’ai pas regretté cette décision, bien au contraire.

L’intérêt de ce roman est de donner une bonne idée de l’ensemble de l’œuvre de Zola. Il n’est pas nécessaire d’avoir lu les 19 tomes précédents ! S’intéresser au contexte est malgré tout essentiel. Il faut ensuite se laisser aller car l’écriture de Zola prend son temps, avance à un rythme qui n’est pas notre rythme actuel.

L’intrigue se passe entre 1872 et 1874, après la chute du second empire (instauré en 1852 lorsque Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III par un coup d’État), chute qui intervient en 1870 dans la foulée de la défaite de Sedan contre la Prusse. Moins d’un an plus tard, la Commune de Paris marquera la montée des idées socialistes et communistes, avant de déboucher sur la 3ème république, pour une longue période de 70 ans.

Pour rappel la série de cette « Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire », où on suit 2 familles sur 5 générations, a commencé par « la Fortune des Rougon » avec pour cadre le coup d’état de 1852.

L’ambition de la série des Rougon-Macquart rappelle Balzac et sa Comédie Humaine dont on peut dire qu’elle est une sorte de prolongement. Si on aborde l’une et l’autre, alors on aura une idée historique précise de la période qui s’étend de la révolution à la fin du second empire et les balbutiements de la 3ème République, à mon avis bien mieux que dans les livres d’histoire car incarnée par des hommes et des femmes, avec leur vie, leurs espoirs, leurs victoires et leurs défaites…

Ce que l’on retient souvent de ce roman, c’est l’histoire d’amour entre le Docteur Pascal, médecin savant, et sa nièce Clotilde, en insistant sur l’aspect incestueux de cette relation et sur le fait que Zola raconte de manière romancée sa liaison extraconjugale avec Jeanne Rozerot dont il devient l’amant en 1888. Le roman sera publié en 1893, moins de 5 ans après de début de cette liaison. Pour la petite histoire, Émile et Jeanne auront 2 enfants et à la mort de Zola, Jeanne et Alexandrine, la femme de Zola, assisteront ensemble à l’entrée au Panthéon en 1908.

Le thème principal du récit me semble être la science en lutte contre les croyances occultes et la religion. Zola en observateur scrupuleux a bien conscience du poids de l’Église. Lorsque Félicité – la mère du Docteur Pascal – met toute son énergie à récupérer les documents concernant ses recherches sur l’hérédité des Rougon-Macquart, elle entraîne avec elle Clotilde et Martine mais les motivations sont bien différentes. Clotilde et Martine pensent ainsi protéger le Docteur Pascal alors que la vieille Félicité a pour seul but de sauver la légende de la famille. En somme la religion est là pour blanchir une fortune bien mal acquise, en partie sur le sang des insurgés du Var lors de la révolution de 1848.

Pour cela elle est prête à tout « Eh ! J’aurais brûlé la ville, pour sauver la gloire de notre famille ! ». Le roman est très polémique et à charge contre une religion qui a choisi le clan des puissants et de l’argent contre la vérité qu’il faut à tout prix cacher.

Le Docteur Pascal incarne pour une large part Zola qui donne dans le dernier roman de la série une conclusion à cette montagne de pages écrites en une vingtaine d’années seulement. Pascal, à travers son travail sur l’hérédité et à travers ses travaux scientifiques sur la médecine, recherche la vérité en pensant l’atteindre à travers ses recherches basées sur l’expérimentation. Il prône des valeurs de tolérance, d’honnêteté. Pascal incarne les Lumières contre la religion et les puissants ne travaillant que pour leurs intérêts et leur gloire.

« En somme, le Docteur Pascal n’avait qu’une croyance, la croyance de la vie. La vie était l’unique manifestation divine. La vie c’était Dieu, le grand moteur, l’âme de l’univers. »

Le personnage de Clotilde est essentiel et très riche. C’est la part de beauté, de pureté mais pas seulement. Clotilde est riche d’une vraie personnalité et d’une réflexion que le Docteur Pascal prend en compte. C’est une voix autre qui répond au docteur que tout ne peut pas être expliqué, qu’il restera toujours une part d’ombre. En cela Clotilde et Pascal forme un beau duo, un beau couple y compris philosophiquement.

La jeune Agar par qui Abraham aura un fils, sa femme étant stérile, peinture illustrant un récit biblique réalisée par Adriaen van der Werff, peintre hollandais du XIIème siècle

Les références bibliques sont nombreuses ce qui est plutôt bien vu de la part de Zola car il n’a pas que des amis (il connaîtra prison et exil…). Est-ce la raison qui lui fait invoquer David et Aisaïg, Abraham et Agar, Booz et Ruth, des personnages de l’ancien testament, afin de justifier une liaison d’un vieil homme avec une femme jeune (Clotilde a  25 ans et Pascal 59 ans, Zola 48 ans et Jeanne 21 ans quand ils deviennent amants) ? Il y a du génie dans la façon de Zola de convoquer les grands mythes afin de construire un récit qui va des origines vers un avenir inconnu qui se construirait par la nature d’une part, et par les efforts des hommes à construire ce futur d’autre part. Un fils naîtra de l’union avec Clotilde, qui est l’espoir de Pascal (espoir de Zola dans sa fille et son fils nés de Jeanne Rozerot…) afin qu’advienne une société de justice et de vérité.

Roman scientifique, roman philosophique ? On est loin du bouillonnement sauvage et désespérant des premiers tomes de la saga. Et j’ai bien envie de remonter un peu dans le temps en lisant le roman précédent : « la Débâcle », tome 19 de la série des Rougon-Macquart. A suivre donc…

Note avis bibliofeel mars 2019, Emile ZOLA, Le Docteur Pascal

5 commentaires sur “Émile ZOLA, Le Docteur Pascal

    1. Je lis un Zola de temps en temps mais mon préféré est « La Terre » car les racines de notre temps sont encore plus profondes dans ce livre et je trouve cela fascinant. « L’œuvre » pourrait être un des prochains…

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      1. Je suis souvent plus sensible aux romans urbains qu’aux histoires paysannes (sûrement parce que je suis citadine moi-même). Même dans Balzac, j’accroche moins aux scènes de la vie de province qui sont pourtant très bien. En tout cas je note Le docteur Pascal …

        Aimé par 1 personne

    1. Mon préféré est peut-être « La terre » où j’y ai retrouvé des personnages proches de ceux observés dans mon enfance, passée à la campagne, dans le rude milieu d’une paysannerie disparue maintenant. Tout Zola m’intéresse, je viens de commencer « La débâcle » mais peine à avancer…

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