Roman traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet
Postface des traducteurs
Éditions Zulma. Publié en juillet 2019
134 pages

Déjà trois livres lus de cet auteur dont un roman ayant pour cadre le début du colonialisme en Corée : Shing Shong fille vendue, un recueil de nouvelles : Sur la route de Sampo et ce petit roman : Monsieur Han… Trois œuvres de ce grand auteur coréen, traduit et lu dans le monde entier. Un écrivain aussi habile dans les nouvelles que dans les romans, mettant en scène des gens modestes que ce soit une courtisane, des soldats, une employée de maison ou ici un médecin dont la seule et grande ambition est d’exercer son art médical. A travers ces parcours de vie, l’histoire de la Corée est contée par petites touches. Ainsi dans la première phrase de Monsieur Han, se dessine un cadre de vie lourd de passé, la Corée sortant tout juste de l’occupation par le Japon :
« La vieille maison, qui avait naguère appartenu aux japonais, était maintenant occupée par quatre ménages en copropriété. »
Hwang Sok-young ne juge pas, donne les faits bruts… En une phrase, il présent les lieux et dans le même temps le contexte historique. Au lecteur de lire entre les lignes, s’il le souhaite, que cette maison avait été occupée par les japonais.
Gros plan donc sur cette vieille maison où vit dans la misère, replié sur lui-même, un vieil homme malade. Les quatre ménages forment déjà une mini société dans laquelle l’intérêt individuel est plus fort que la solidarité. Son histoire nous est racontée ensuite, avec deux grandes périodes : avant décembre 1950 où Han vit au nord de la Corée et ensuite, quand il est poussé à passer au sud afin d’échapper à la prison et la torture.
Une première partie donc dans le cadre de la capitale du nord Pyongyang. Les troupes du nord soutenues par la Chine et l’Union soviétique s’opposent aux armées du sud et les États-Unis autour du 38è parallèle. Pendant une année la victoire est indécise, le nord d’abord victorieux pousse la frontière vers le sud, puis des contre-offensives ramènent la ligne de partage au 38è parallèle. Des morts par milliers pour rien, la séparation de 1945 à ce célèbre et honteux 38è parallèle est encore effective aujourd’hui. Je donne le cadre historique des évènements mais l’auteur nous les présente seulement à travers les conséquences pour Han et sa famille.
Accusé de désobéissance aux ordres reçus – soigner seulement les membres du parti et leur famille – il va survivre miraculeusement à l’exécution, ce qui nous vaut des séquences terribles, inoubliables. Il va s’échapper et passer seul au sud, laissant sur place sa femme et ses enfants. Au sud, la vie sera tout aussi difficile pour lui. Dans le contexte de la guerre et ses conséquences qui vont durer bien au-delà de 1953, il va être l’objet d’une suspicion l’empêchant de retrouver un poste de professeur de médecine, puis de manœuvres pour le discréditer de la part de profiteurs sans scrupules.
Hwang Sok-young ne prend parti ni pour un camp ni pour l’autre mais s’attaque à la partition du pays et à la guerre poussant à la lutte de tous contre tous dans l’absurdité et l’injustice la plus totale. La corruption est alors généralisée et la solidarité peine à exister.
Si le portait de la Corée de l’époque, en pleine division, est par bien des côtés désespérant, Hwang Sok-young n’a jamais perdu l’espoir. Il agit encore et toujours pour un avenir meilleur, ne se contentant pas d’écrire des livres merveilleux de justesse et d’humanité en mettant en scène des personnages qui sonnent juste au niveau psychologique.
« L’homme est ainsi fait que le temps efface dans sa mémoire les souvenirs les plus amers pour permettre à de nouvelles affections d’éclore. Il avait pris en charge les deux enfants de sa nouvelle épouse. »
Ses écrits sont largement autobiographiques, comme indiqué dans la belle postface des traducteurs. Il n’a de cesse de s’impliquer, de lutter aux cotés des intellectuels et des étudiants, contre les régimes dictatoriaux qui se sont succédés à Séoul jusqu’à la fin des années 1980. Pour avoir voulu dialoguer avec la Corée du nord dans le cadre d’un congrès d’écrivains, il connaîtra plusieurs années d’exil et même une condamnation à la prison en 1993. Les thèmes développés dans ce court roman sont toujours d’actualité à la suite des visites du président Kim Dae-Jung en Corée du Nord pour s’accorder avec son homologue Kim Jong-il sur des programmes de regroupement familial et pour entamer les discussions sur une éventuelle réunification.
Cet auteur restera sur mon chemin, je suis sûr d’avoir envie de le retrouver. Avez-vous lu cet auteur ? Quel livre préférez-vous ?
Notes avis Bibliofeel février 2022, Hwang Sok-yong, Monsieur Han
Je ne connaissais pas cet auteur et par conséquent je n’ai lu aucun de ses livres. Je ne connais rien non plus de l’histoire de la Corée, une lacune qu’il faudra que je comble. Une réunification est-elle possible, j’en doute.
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Son œuvre peut se lire sans connaître l’histoire de la Corée car la psychologie des personnages et son talent sont les éléments principaux de l’œuvre. Quant à la réunification, cela semble compliqué d’y croire sinon dans un avenir lointain…
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Terrible histoire que celle de la Corée. Je l’ai découverte partiellement grâce à une série sur Netflix (https://pigrai.com/2021/02/07/culture-serie-live-up-your-name-digne-de-son-nom-coree/) qui évoquait la rencontre improbable d’un médecin acupuncteur dans la période Joseon (1392-1911) et d’une cardiologue qui exerce aujourd’hui à Séoul.
La douleur est des deux côtés et prendre partie serait mal venu car il ont tous pris cher… Encore une fois, des intérêts étrangers contre les peuples bien entendu! Qu’ils nous fichent la paix!
Je note ce livre que je lirais plus tard. Merci et à bientôt.
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Merci Alan pour ton commentaire et pour le lien vers ton article très intéressant. 😊
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J’ai lu Le vieux jardin de cet auteur et ce livre fait parti de mon top 100. J’ai adoré :https://madamelit.ca/2021/03/28/madame-lit-le-vieux-jardin/
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Merci pour la suggestion ! Ce sera mon prochain livre de Hwang Sok-yong, je suis très attiré par ce personnage féminin que tu décris dans ta magnifique chronique…
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Merci! J’ai adoré cette histoire. ❤️
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Merci pour cette mise en lumière, je ne connaissais pas du tout.
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J’aime la façon de raconter de cet auteur et l’universalité de son propos. Mon préféré pour l’instant est son recueil de nouvelles La route de Sampo…
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Je ne connaissais pas du tout l’auteur alors pourquoi pas, je connais très très peu la littérature coréenne à part « Kim Jee Yung née en 1982 » qui m’avait bien plu…
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Ce livre, Kim Jiyoung née en 1982, de Cho Nam-joo, a de très bons avis. A découvrir donc. Merci pour ce retour !
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Encore un auteur à découvrir, merci pour cette critique qui donne envie de lire et d »apprendre plus sur ce pays .
belle journée ! 😉
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Merci beaucoup pour ce retour. Effectivement il y a énormément à apprendre avec cet auteur la. Belle journée à vous !
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Bonjour,
Merci pour ces précisions sur l’auteur qui permettent de replacer son œuvre dans son contexte !
Bonne journée !
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Difficile de ne pas parler du contexte tellement cet auteur est engagé dans l’Histoire. Merci à toi pour ta lecture et commentaire. Bon début de semaine !
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