Max HURDEBOURCQ, L’homme qui murmure à l’oreille des gorilles

Éditions du Rocher, publié en juin 2023,

320 pages

La nature est menacée de tout côté : réchauffement climatique, pollution de l’environnement par les produits chimiques liés à l’agriculture ou à l’industrie, surconsommation des grands pays. Mieux connaître la vie animale devient un impératif, elle est notre passé, notre présent … et, pour une grande part, notre avenir. On peut rêver en observant les oiseaux, revivre le mythe d’Icare, poésie d’une liberté de mouvement total, nous évadant de notre condition. On peut guetter, comme Sylvain Tesson, tapi sur les hauteurs, la farouche panthère des neiges. On peut comme Patrick Svensson pister les anguilles, plonger tels des poissons vers les abysses ou encore suivre aux jumelles les oiseaux des milieux humides dans les observatoires de la Brenne… L’auteur a choisi de regarder en face le plus grand des primates, le gorille, l’animal le plus troublant, avec lequel nous avons 99% de gènes en commun, dans une plongée vertigineuse vers nos origines nous plaçant directement face à nos responsabilités : exploiter la nature sans mesure ou bien trouver une solidarité pour un avenir avec le vivant quel qu’il soit.

Au hasard d’une rencontre : l’auteur, Max Hurdebourcq, journaliste naturaliste, en voiture lors d’un reportage au sujet de l’exploitation forestière, croise le regard d’une femelle gorille qui marche sur le bas-côté, son petit sur le dos. Cet évènement va changer sa vie. Depuis ce jour de 2006, il enchaîne les expéditions : d’abord pour le magazine Sciences et Avenir, puis pour une exploitation forestière avec le financement d’une université espagnole, aussi pour une université belge et pour des reportages télévisés… Quinze en tout, de plusieurs mois chacune. Toutes sont consacrées à l’approche des gorilles, à mieux connaître leur mode de vie dans le but de les préserver.

Il me rappelle Dian Fossey, éthologue célèbre au destin tragique. Mais Max n’est pas diplômé de l’université. Autodidacte, il suscite la méfiance, voir le rejet de certaines institutions. Il doit faire ses preuves pour être admis dans ce milieu. Journaliste, éthologue, aventurier, lanceur d’alerte, sociologue, il est tout cela à la fois… Ou tout simplement homme de l’anthropocène s’interrogeant sur l’avenir de l’humanité face aux dégradations infligées à la nature et à la vie sauvage. Il cherche à vaincre son anxiété face à ce paradis de plus en plus abîmé – il nomme un chapitre « Le paradis perdu » – et entend agir concrètement pour l’éducation et la préservation d’une vie animale dont nous avons besoin pour la survie de l’humanité. Visitant les villages, il intervient dans les écoles afin de faire reculer la peur que peuvent inspirer les gorilles. Un combat difficile, bien sûr, face aux intérêts financiers liés à l’exploitation forestière… J’ai beaucoup aimé en savoir plus sur le mode d’exploitation par les grandes compagnies occidentales, avec les certifications d’exploitation durable, largement insuffisantes.

Max Hurdebourcq décrit le quotidien de ses séjours dans la dernière forêt primaire mondiale. Il excelle notamment à décrire la charge d’un dos argenté, explique comment échapper à l’attaque d’un animal d’un mètre soixante-dix et de deux cents kilos de muscles en s’accroupissant, sans le regarder, dans une attitude de soumission… Pas évident face à une telle masse de ne pas paniquer. Il les appelle affectueusement ses petits, ses cousins… mais craint beaucoup plus les fourmis et autres espèces d’insectes qui pullulent dans la forêt tropicale, surtout lorsqu’il passe ses nuits sur sa plate-forme en haut d’un arbre.

C’est une belle édition avec un cahier central : seize pages de superbes photos. L’écriture est agréable, révélant une sensibilité et une humanité qui m’a touché immédiatement. L’observation des gorilles est rare, il s’agit de faire face aux longues journées d’attente, le plus souvent infructueuses. L’auteur sait confronter ses idées avec la réalité ambiante, l’évolution est nette au fil des pages passant de l’enthousiasme à une certaine désillusion, aussi à la satisfaction de faire une part du travail. Il n’a pas réponse à tout, par exemple il ne juge pas ses pisteurs, ou même les eco-gardes quand ils braconnent, mais va dans les écoles adresser aux enfants pour que les comportements changent.

Jane Goodall et l’institut du même nom, créé en 1977, contribue à sensibiliser la population gabonaise et à la recherche sur les primates essentiellement dans les parcs et réserves africaines. Le projet de Max est de les préserver en pleine exploitation forestière, ce qu’il note comme une différence d’approche importante entre la vision française et anglo-saxonne.

Voici comment l’homme qui murmure à l’oreille des gorilles se présente en quatrième de couverture :

« Petit garçon de Chelles, en Seine-et-Marne, rien ne me prédestinait à parcourir l’Afrique pour sauver le plus grand des primates. Pourtant, depuis plus de quinze ans, je consacre ma vie à la préservation de cet animal. Je m’appelle Max et je vous invite à me suivre au cœur de la forêt tropicale. Sans bruit. Les gorilles sont craintifs. »

Depuis 2006, Max Hurdebourcq lutte pour la défense des gorilles. Son combat a fait l’objet de nombreux reportages télévisés et d’un documentaire, Idjanga, la forêt aux gorilles, en 2022. Il livre ici le récit de son quotidien de défenseur de la nature. Suivre celui que les villageois de la région de Lastourville au Gabon ont surnommé « Papa gorilles » est passionnant. Il a créé l’association « Precious Nature of Gorillas » et en est Président, association pour la préservation du gorille des plaines de l’ouest et de son écosystème.

Lisez-vous des livres d’écrivains aventuriers parcourant le monde ?

Autres citations :

« Les espèces disparaissent à cause de nous. Viendra notre tour. Car l’humanité, aussi puissante qu’elle puisse se sentir, ne survivra pas à l’extinction de masse qu’elle a provoquée. Songez que l’eau de pluie, que nos ancêtres buvaient en souriant vers le ciel bienfaiteur, est désormais impropre à la consommation, partout dans le monde. »

« Mais il n’est peut-être pas trop tard. Il existe un chemin raisonnable. un chemin qui s’enfonce dans l’épaisseur de la foret, un chemin qui exige de retrouver une âme d’enfant, capable de s’émerveiller du vol des hirondelles, de la douceur du bourdon, du regard d’un cerf avant la fuite. »

Il y a une dimension quasi mystique dans cette communion avec elle, qui relève à la fois de la méditation, d’une forme de concentration extrême, d’état second qui permet de mieux percevoir ce qui nous entoure, et de la croyance en ce qui serait une forme d’esprit de la forêt, que je définis plutôt comme un équilibre fragile supportant mal d’être dérangé.

Notes avis Bibliofeel août 2023, Max Hurdebourcq, L’homme qui murmure à l’oreille des gorilles

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