Marine LOISEAU & Agathe MOREAU, Sang d’encre

Éditions Pourpenser

Publié en novembre 2024

108 pages

Ella est une jeune femme perturbée après une séparation et le déménagement qui a suivi. Elle a rendez-vous pour des examens médicaux. L’image sur l’écran sidère le médecin qui va illico chercher ses collègues. « Là, dans mon estomac, ça n’était ni un bébé, ni une tumeur… c’était une pieuvre. Une pieuvre. Bien vivante. » Pour tenter de la déloger, Ella consulte à tout va : sophrologue, naturopathe, éthologue, homéopathe, psychiatre et même le professeur Bobo (très compétent avec des solutions efficaces puisqu’il est spécialiste de tout…).

Les pages sont dessinées avec originalité. Il y a du talent et de l’humour (ah, ah, j’ai aimé cette bouteille de jus de fruit avec la précision sur l’étiquette « jus d’orange sans poulpe »). J’ai lu le sourire aux lèvres en permanence. La pieuvre devient un personnage principal au côté (à l’intérieur plutôt) de la jeune femme. On découvre son anatomie très particulière, ses 8 mini-cerveaux à la naissance des tentacules, son cœur principal relayé par 2 mini-cœurs, sa poche d’encre en cas de panique. Elle parcourt tout le livre. Au début les dessins sont colorés à l’aquarelle bleu gris sur des personnages au trait, puis on gagne en couleurs avec de beaux jaunes, verts, bleus, violets selon l’humeur de Ella. La pieuvre, joliment multicolore comme sur la couverture, devient une métaphore animalière riche et très visuelle des angoisses du personnage. Elle permet d’aborder des sujets habituellement difficiles pour le jeune âge comme ceux de la dépression, de la maladie, de la mort.

Après ces multiples consultations, la pieuvre est toujours présente, sa taille a même augmenté. Ella va voir sa tante Jeanne et apprend que le crabe (nom familier qui désigne le cancer) a fait de nombreux dégâts dans la famille, liés à la génétique.

« Pourtant, ce crabe était invisible, c’était comme une faute de frappe sur la page d’un livre, caché dans la bibliothèque de mon ADN, la plus retorse des petites frappes. »

Ella va choisir de passer par des opérations préventives pour augmenter ses chances de survie. La pieuvre change de statut, elle n’est pas seulement un problème mais s’invite dans les solutions : « Je ne savais plus si cette bête était en moi pour manger un éventuel cancer ou si elle grandirait encore, m’envahirait totalement, pour en finir avec moi. »

Elle fait face et petit à petit tolère sa pieuvre, aidée par un prêtre haut en couleur, le père André, et par Kisibi, tous deux arrivés de Guyanne, où ils soignent des gens perturbés, au plus près de la nature. A leur contact, elle va découvrir que la pieuvre c’est sa peur, mais aussi son intuition, sa créativité. Dans cette deuxième partie, plus riche de teintes vives, Ella apprend à vivre au contact de sa pieuvre à elle, en tolérant ses émotions, un monde intérieur avec lequel il lui faut composer toute sa vie.

« Beaucoup de choses peuvent abîmer cette nappe phréatique intérieure, déséquilibrer le milieu, d’ailleurs tu vois, quand on dit « c’est l’acte d’un déséquilibré, hein ?… »

« POURPENSER », c’est un très joli nom pour une maison d’édition jeunesse ! On y voit l’avenir de la jeune lectrice ou du jeune lecteur, son équilibre, son bonheur, avant sa capacité à consommer, tout en gardant toute la magie de l’enfance. Bravo à l’auteure Marine Loiseau dont le scénario relate avec charme et poésie son histoire personnelle avec ses trois tantes décédées de cancer. Elle en fait quelque chose de beau, permettant de transmettre un point de vue positif aux plus jeunes et offrant un objet de dialogue avec les adultes. Bravo à l’illustratrice Agathe Moreau pour ses dessins. Talent, douceur, générosité, énergie sont bien au rendez-vous. Elle aussi explique dans un petit mot à la fin, tout ce que « Sang d’encre » représente pour elle dont le compagnon a vu sa vie basculer suite à une maladie. Marine et Agathe, leurs deux histoires personnelles se sont rencontrées pour nous offrir un livre qui soigne l’âme de tous. Merci à elles ! J’espère qu’il y aura une suite…

J’ai aimé la magnifique couverture à rabats présentant les personnages et aussi, à la fin, donnant la ligne éditoriale de l’éditeur : « Le souhait de l’équipe de Pourpenser est de transmettre des points de vue positifs et sensibles sur la vie, de donner des pistes de réflexion, d’interrogation, aux enfants et à celles et ceux qui les entourent.

Nous pensons qu’aborder des sujets de vie avec les enfants, les amener à être plus à l’écoute de leurs émotions, leur donner de quoi mieux comprendre, les aidera à grandir en paix avec eux-mêmes et les autres. De plus, amener les adultes à échanger avec les enfants sur ces thèmes aidera les adultes à grandir, à continuer d’explorer. »

Se tourner vers la vie, vers l’espoir, amplifiant le pouvoir magique de l’œuvre, un beau programme qui cadre bien avec l’humeur du blog Bibliofeel ! Cette pieuvre – et ses tentacules multicolores – m’a mis dans sa poche (d’encre…).

Merci aux autrices talentueuses, à Babelio et sa Masse critique jeunesse pour cette découverte s’adressant à tous puisque cette maison d’édition, engagée et indépendante, y présente des contes, des jeux et histoires de 2 à 112 ans. Alors si vous êtes dans le créneau, n’hésitez pas à visiter le magnifique site pour des cadeaux de Noël ayant du sens :

Site: https://www.pourpenser.fr/artistes/aline-de-petigny/

Notes avis Bibliofeel, décembre 2024, Marine Loiseau & Agathe Moreau, Sang d’encre

4 commentaires sur “Marine LOISEAU & Agathe MOREAU, Sang d’encre

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